[Francophones] Communiqué de Mgr. Pierre Whalon sur la Liberté de Culte

Vicky office at tec-europe.org
Ven 8 Jan 15:21:28 GMT 2010


Lettre Pastorale aux fidèles de Mgr. Pierre Whalon, Evêque de l’Eglise  
Episcopale en Europe/Communion Anglicane

Paris, le 8 janvier 2010

La fête d’Harriet Bedell


Cher Peuple de Dieu,

Pendant notre synode, en octobre à Genève, je ne pouvais m’empêcher de  
remarquer les affiches partout qui montraient en avant-plan une femme  
en tchador noir, l’air renfrogné, et en arrière-plan, des minarets en  
forme de missiles. “Votez ‘oui’ au ban des minarets” y était imprimé.  
Comme vous le savez, une majorité des électeurs suisses a voté en  
faveur du ban.

Nous savons bien ce que c’est d’être, comme le chante U2, des «  
Étrangers en terre étrange ». Parmi les plus de quatre mille fidèles  
de nos congrégations en Europe se trouvent beaucoup d’expatriés et pas  
seulement anglophones. Il y a également beaucoup qui appartiennent à  
l’une de nos congrégations dans leur propre pays. C’est le cas aussi  
dans les congrégations du Diocèse de Gibraltar en Europe.

En réfléchissant à la décision suisse de bannir la construction de  
minarets, il m’est évident que nous ne pouvons pas nous considérer  
comme étrangers à la situation en Europe, que nous soyons ici pour une  
brève période ou toute une vie. Nous sommes aussi bénéficiaires de la  
liberté de culte, et nous devons nous y attendre dans nos patries.

Il n’a pas toujours était ainsi. Par exemple, les paroissiens de St.  
Paul’s-Within-the-Walls, Rome, n’ont pu construire leur église  
qu’après que la nouvelle République d’Italie annule, en 1870, les lois  
interdisant la présence d’églises non catholiques romaines dans cette  
ville. Nos églises en France ont bénéficié de la loi 1905 séparant  
l’Église et l’État. La liberté de culte est, pour la plupart des  
occidentaux, considérée comme acquise. Mais nous oublions à notre  
péril les très durs combats pour l’obtenir.

Durant presque toute l’histoire de l’humanité, chaque peuple n’avait  
qu’une religion, et tout le monde y participait, sans exception. La  
nationalité et la religion ne faisaient qu’une en fait. Dans  
l’antiquité, conquérir un peuple signifiait aussi la destruction de  
leurs dieux, qui n’avaient pas protégé leur peuple. Ce qui explique la  
pratique routine d’anéantir le peuple ennemi défait décrite par tous  
les historiens de l’ère, que l’on retrouve aussi dans les premiers  
livres de la Bible. C’est aussi l’explication des guerres et massacres  
qui ont suivi les schismes dans l’Église, y compris la Réforme. En  
outre, ceux qui étaient déviants de la croyance communale étaient  
considérés comme dangereux au bien-être, voir le salut, de la  
communauté. Il n’y a que très récemment que l’on a compris qu’une  
nation peut supporter plusieurs religions.

Sur notre continent se sont déroulées les terribles guerres de  
religion au dix-septième siècle qui furent si meurtrières que  
finalement l’on avait commencé d’admettre que le salut est l’affaire  
des individus et non de la communauté. La naissance des démocraties  
modernes virent finalement l’avènement de la liberté de culte,  
perfectionnée seulement à nos jours.

Ô qu’il est facile d’oublier ! Et oublier son histoire c’est la  
répéter. Dans notre situation, en particulier dans la Convocation mais  
aussi le Diocèse de Gibraltar en Europe, la liberté de culte nous est  
toujours très précieuse.

En tant que votre Évêque, je vous déclare qu’il nous faut déployer  
tous les moyens possibles pour soutenir ce droit. Il est tout aussi  
insensé d’interdire la construction de minarets au vingt-et-unième  
siècle que d’interdire la construction d’églises au dix-neuvième.

Certains qui ne sont pas citoyens européens diront que ce n’est pas  
notre affaire. Mais si, c’est notre affaire, et non seulement à cause  
du droit d’être épiscopaliens en Europe. Dans la patrie, où qu’elle se  
trouve pour chacun, ce droit a besoin d’être défendu. Tant que la  
liberté de culte ne soit garantie dans le monde entier, l’histoire  
tragique et sanglante des guerres interreligieuses et  
interconfessionnelles se répétera à outrance.

Certains répondront que le vote suisse, comme d’autres mesures prises  
en France ou aux Pays-Bas, ne concerne pas la liberté de religion mais  
vise plutôt l’identité nationale. Pourtant, les identités nationales  
en Europe et aux Amériques sont d’abord démocratiques. « La France est  
une nation, pas une race » on nous apprend dans nos écoles françaises.  
Ceci s’applique à tous les pays démocratiques—le système de  
gouvernance est le premier indice de l’identité nationale. Puisque les  
Américains sont presque tous des immigrés, ils sont le meilleur  
exemple de ce principe : être américain c’est prêter serment à la  
Constitution du pays. Nous autres européens doivent en tirer la leçon,  
alors que nous cherchons à intégrer de plus en plus d’immigrés dans  
nos pays. Ceux qui sont immigrés dans nos pays doivent bénéficier de  
la même liberté de religion que tous les autres citoyens. Et tous  
doivent œuvrer pour le maintien de ces droits démocratiques.

En même temps, ceux qui veulent immigrer en Europe doivent aussi  
soutenir ce système de gouvernance qui leur garantit la liberté de  
religion. On peut ne pas être d’accord avec l’interpretation du  
principe de la laïcité qui interdit le port dans nos écoles d’État de  
« signes ostentatoires religieux, » mais elle s’applique à tous. Je ne  
peux non plus porter ma tenue d’évêque—chemise violette, col romain,  
croix pectorale—dans une école publique aux Etats-Unis, et je ne peux  
accepter une invitation d’adresser une assemblée des élèves. Cela  
s’applique à tous. Pouvons-nous faire changer la loi ? Bien sûr que  
oui, en participant aux processus démocratiques, mais pas en y  
dérogeant.

Un autre exemple : la burqa, cet habit qui recouvre une femme des  
cheveux aux pieds, y compris son visage. Il est clair que cet habit  
n’est qu’une tradition culturelle—le Coran ne l’exige pas. En fait, la  
Bible et le Coran ont la même exigence : que les femmes s’habillent «  
modestement. » Ce qui de toute évidence se définit différemment dans  
des cultures diverses.

Une femme doit être libre de porter ce qui lui plaît chez elle—burqa,  
bikini, ou la plus simple tenue. Et dans nos pays elle a le droit de  
choisir : personne ne peut l’obliger à porter la burqa. La loi ne  
devrait pas la lui interdire en public non plus. Mais on ne se promène  
pas en robe de chambre ou au naturel en public—no se fa, comme disent  
les italiens. Chez nous, se couvrir le visage est la pratique de  
malfrats en commettant un crime. En France, même les religieuses  
doivent ôter l’habit pour leur photo d’identité. En fait, on ne peut  
porter aucun uniforme, y compris le col romain, pour cette photo. Si  
vous n’êtes pas d’accord, œuvrez pour faire changer la loi. Mais  
n’insistez pas d’être bien reçue en public si vous portez la burqa.

Voici donc l’équilibre dynamique qu’il nous faut maintenir : entre le  
besoin du maintien des droits de démocratie constitutionnelle et le  
besoin du respect de la loi. Ceci veut dire que chacun d’entre nous  
doit engager la politique de nos pays. Nos congrégations devraient  
aussi nous encourager comment maintenir cet équilibre entre les droits  
et les responsabilités dans nos démocraties constitutionnelles, car  
notre droit de liberté de culte est essentiel.

Dès les premiers jours, nous autres chrétiens ont été tenus comme  
responsables du bon ordre des communautés dans lesquelles nous vivons  
(Romains 13.7). Comme dit Jésus, nous devons être « sel et lumière »  
aux autres. Au vingt-et-unième siècle, cela se traduit par  
l’obligation de participation dans nos démocraties, lutter pour les  
droits humains en élaborant et en appliquant les lois, et vivre de  
façon responsable sous la loi.

Que chacun s’applique à faire son devoir.


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